2019-05-05

Quand les amis de Thomas l’appelaient Tomaso

- Ciao Tomaso ! Viens te joindre à nous, la vie est belle à Rome.

Johannes Lingelbach
Thomas Blanchet dont j’ai pu retracer le voyage qu’il a entrepris avant 1645 a pris le temps de visiter l’Italie et de découvrir de visu les peintures dont lui avaient parlé ses maîtres parisiens.
Comme pour beaucoup de jeunes peintres du XVIIe siècle, Rome est le but de sa pérégrination.

Notre artiste trouve facilement une colocation dans le quartier du Trident, proche de la piazza di Spagna. C’est à deux pas de la via del Babuino où habite Poussin à qui il doit remettre une recommandation de son maître Simon Vouet. D’ailleurs, dans l’entourage de Nicolas Poussin gravitent de jeunes artistes italiens, français, flamands, espagnols que côtoie Thomas.

Il déménage plusieurs fois, au gré des rencontres, mais en restant toujours dans le même quartier des paroisses San Lorenzo di Lucina, puis San Nicolà in Arcione. 

Sur cette carte de Rome, voici les lieux où l’on pouvait croiser Thomas et ses amis.

Avec ce lien sur Google My Maps
cliquez sur les lieux  
Le nom de Thomas Blanchet (ou ses variantes) apparaît entre 1647 et 1653 dans les stati d’anime.






La vie est agréable pour les peintres, stimulés par la richesse artistique de cette ville et attirés par la facilité à nouer des relations amicales pour travailler et se divertir.

J. Lingelbach, Le Campo Vaccino à Rome, 1653

« Tomaso, viens goûter le vin nouveau, nous commençons une partie de cartes.»
«Tomaso, nous partons pour Tivoli, nous accompagneras-tu ? Nous allons dessiner sur le motif.»

Les sollicitations ne manquent pas; les fêtes, les spectacles, les opéras, les oratorios donnés dans les églises, et même les funérailles avec leurs cortèges attirent les Romains.

Les artistes vivent dans la familiarité des vestiges de l’Antiquité que l’on redécouvre. Notre Signore Blanchet, ou plutôt : Thomaso Blasu, pittore, se passionne pour l’histoire de l’Empire romain, il s’inspire de la mythologie pour peindre les sujets de ses tableaux. 
Ces vedute, sont des tableaux de petit format, sur des sujets antiques, dans des paysages de ruines.

Thomas Blanchet, paysage 1650

Andrea Sacchi conseille à son élève :
« Tomaso, nous savons que tu es excellent dans la réalisation de vedute, mais à présent, tu dois te confronter à de grands formats.
Es-tu allé au palazzo Barberini pour admirer le plafond de Pierre de Cortone ?  Accompagne-moi, je vais te présenter  Pietro, c'est mon ami. »

Pierre de Cortone _ Palazzo Barberini,Roma
Beaucoup de chantiers sont en cours dans la Ville éternelle. Le 12 juin 1651, Le Bernin est à l’honneur, sa Fontaine des Quatre Fleuves est inaugurée sur la piazza Navona. Thomas va s’en inspirer plus tard. L'estime est réciproque, car on dit que Le Bernin le tenait en grande considération. 

Le Bernin, Fontaine des Quatre Fleuves, Piazza  Navona, Rome

D’un atelier à l’autre, Thomas s’instruit auprès des maîtres qu’il admire. Il échange avec le cercle de ses amis peintres, sculpteurs, architectes.


Ecoutez les jeunes, ils appellent Thomas pour participer aux festivités :
les bals, les farces, les courses à la bague ou aux taureaux dans les rues...

« Tomaso, c’est le temps du Carnaval, viens t'amuser avec nous. »
Thomas répond qu’il rejoindra ses amis lorsqu’il aura terminé les décors qu’il doit livrer.
J. Lingelbach, Carnaval à Rome

On se demande si Louis, son frère (sosa 2850) a pu le rejoindre à Rome et profiter de cette formation ou s'ils se sont retrouvés lorsque Thomas Blanchet a été appelé pour travailler à Lyon, en 1654.

Arrivederci Tomaso, 
nous te retrouverons pour voir tes œuvres influencées par ton séjour en Italie.


Le voyage d’un artiste au XVIIe jusqu’à Rome

Le voyage en Italie fait rêver les artistes du XVIIe.
Suivez celui de Thomas, sur la carte que j'ai retracée dans StoryMap


ou en plein écran avec ce lien : 


Thomas Blanchet, Cleobis et Biton, Stockholm Nationalmuseum

En 1635, Thomas Blanchet a vingt ans.
À l’issue de son apprentissage, dans l’atelier de Simon Vouet, celui-ci lui conseille de se rendre en Italie.

- Thomas, puisque tu fais partie de nos meilleurs élèves, tu dois poursuivre ta formation chez les maîtres du Baroque. Va à Rome, pour te perfectionner auprès de mon ami Nicolas Poussin, tu lui apporteras une lettre de recommandation, en lui rappelant le bon souvenir de notre amitié.
- Je ne sais pas si mon père peut subventionner ce séjour en Italie. Mon frère, Louis (sosa 2850), entre en apprentissage, il veut être peintre comme moi.
- Ne t’inquiète pas Thomas, tu trouveras à employer ton talent et à gagner l’argent dont tu auras besoin.
- C'est un long chemin pour arriver en Italie. J'ai hâte d'y être !
- Sur la route des Alpes, fais une halte à Lyon, le temps nécessaire pour observer ce qui se construit dans cette cité marchande, la deuxième du royaume de France.

La suggestion de son maître apparaît excellente, mais aussi prémonitoire, car Thomas sera appelé à Lyon en 1655. Il y résidera jusqu’à sa mort. Jouissant d’une grande considération à son époque, il passe pour être l’artiste polyvalent caractéristique du baroque lyonnais : peintre, architecte, décorateur, sculpteur, graveur, il a laissé sa marque dans notre ville.


Traverser les Alpes se révèle une aventure périlleuse, d'après les voyageurs qui en font le récit. Si Thomas a eu l’occasion de les rencontrer à Lyon, ils ne l’engagent à prendre cette route. Pour le retour, c’est plus probable.


Je suppose que Thomas préfère descendre le Rhône en bateau jusqu’en Avignon, où il s'attarde bien sûr. Arrivé à Marseille, il a pu embarquer sur la mer Méditerranée.


Si les dates exactes de ce voyage ne sont pas connues, les historiens estiment que vers 1635-1645, le jeune homme va prendre le temps de visiter les grandes villes d’Italie, réputées comme autant de foyers artistiques incontournables pour les peintres qui veulent enrichir leur formation.
Gênes, Parme, Bologne, Venise peut-être… Le Parisien séjourne dans ces lieux où il rencontre des peintres, des architectes dont on retrouve l’influence dans ses œuvres ultérieures.

Thomas Blanchet arrive à Rome, peut-être vers 1646. En tout cas, sa présence est attestée dans les stati d’anime à partir de 1647.
À suivre...
Le prochain article racontera la vie de Thomas, à Rome.


Voici les billets qui mettent en scène Thomas Blanchet :


Sources et bibliographie
Thomas Blanchet 1614-1689, Lucie  Galactéros, Ed Arthena, 1991
Le Voyage des peintres en Italie au XVIIe siècle, Laurent Bolard, Ed Les Belles Lettres, 2012