2017-12-16

Noël triste en 1917

En ce jour de décembre 1917, il fait très froid, Marie marche d’un bon pas dans les rues grises de Lyon.
Pour ce RDVAncestral, je la retrouve à nouveau (nous étions ensemble au #RDVAncestral Place Bellecour en novembre), telle une amie proche puisqu’elle m’a déjà raconté sa vie quotidienne à travers sa correspondance.

La jeune femme veut choisir les cadeaux qu’elle offrira aux enfants pour leurs étrennes. André passera ce Noël triste auprès des blessés dans son ambulance. Il a chargé son épouse de s’occuper des cadeaux pour ses filleuls.
L’an dernier, elle avait offert « une boîte de soldats avec voiture d’ambulance » à son neveu qui en a beaucoup joué.



La jeune tante n’hésite pas en entrant dans la librairie, elle sait déjà que Maurice (qui deviendra un homme fort important plus tard) va recevoir le best-seller de 1917. Elle commande « L’enfance de Bécassine un livre que tout le monde veut cette année pour les enfants tant il est amusant paraît-il »


Pour Jacqueline qui va avoir onze ans, le choix est plus délicat, Marie a pensé lui envoyer « un très joli album de cartes postales. » La petite et ses quatre sœurs aînées sont orphelines depuis le mois d’août, Pierre était capitaine d’infanterie. André, attentif à ses nièces, va aider la femme de son frère.


Marie essuie une larme en me confiant que dans sa famille les fêtes ne seront pas réjouissantes. William, père de quatre enfants, a été tué le mois dernier et Madeleine, la sœur de Marie reste dans un chagrin immense, tous essayent d’éviter de parler de ce qui pourrait la faire pleurer.

Depuis l’an dernier, Marie déplore la tristesse ambiante à Lyon :
 « Les magasins à peine éclairés où les montres somptueuses du temps jadis ont été interdites vous rappellent vite à la réalité. [L'an passé, pour la messe de minuit] Les églises n’étaient que peu éclairées […] vous rappelaient tristement le temps où nous vivons. On devient très sévère pour les économies du point de vue de l’éclairage »

Je demande à Marie ce qu’elle va offrir à son petit Jean.
Elle pourrait agrandir la collection des petits soldats de plomb qu’André avait envoyé à son fils, le petit était si fier de recevoir ces soldats miniatures pour jouer à la guerre « comme son papa ». Prudente, la jeune maman a su veiller à ce qu’il ne les jette pas à la tête de sa petite sœur. Lorsque Jean s’excitait dans une bataille, elle le distrayait en lui montrant des livres d’image représentant des soldats.


Il y a deux ans, elle avait acheté un ravissant cadeau, fabriqué par des mains adroites, qui a enchanté son petit garçon :
 « Une tente de toile grise achetée à la vente de Fanny Chartron, dans cette petite tente, il y a un blessé sur un très drôle de petit brancard en bois, une dame infirmière et un général sur le seuil le tout minuscule et très bien fait, le général est superbe avec sa profusion de médailles. »

Marie aime se rendre aux ventes de bienfaisance, c’est certainement une obligation sociale, il faut s’y montrer et dénicher des bricoles à acheter, on trouve des objets qui feront des cadeaux économiques doublés d’une bonne action. C’est aussi une occasion de rencontrer la famille et les connaissances qui œuvrent dans ces associations lyonnaises.

poupées coll. J Sylvestre BM Lyon

Marie me propose de l’accompagner à la vente de Fanny. Je serais ravie de rencontrer cette arrière-grand-tante fantasque dont j’ai entendu quelques anecdotes racontées par Jacqueline sa petite fille. (Mais ceci est une autre histoire)

Je n'ose pas souhaiter un « Joyeux Noël » à Marie, pourtant je sais qu’il y a du bonheur dans sa vie malgré les années difficiles de la Grande Guerre.

2017-12-10

Une correspondance 1GM

Le bonheur de se voir confier un fonds de correspondance, l’impatience d’avoir des nouvelles de la famille, l’étonnement de comprendre la vie quotidienne à Lyon pendant la Grande Guerre.

J’ai passé tant de jours à lire les lettres que Marie Leclerc a adressées à André son époux entre août 1914 et avril 1919, alors il m’arrive de dire qu’elle les a écrites pour nous aussi.
Elles ont été conservées soigneusement pendant un siècle, dans cette boîte bleue.



783 lettres : le nombre est impressionnant.

Marie envoyait une lettre tous les deux jours, il lui arrivait même d’écrire deux fois par jour.


Devant l’ampleur de la tâche, j’ai pensé renoncer, refermer la boîte bleue et laisser dormir cette correspondance. 

L’exposition aux Archives de Lyon « 14/18 – Lyon, jour après jour »

m’a motivée pour faire la présentation de cette correspondance, lors de la semaine de la généalogie. Ces lettres décrivent la vie quotidienne des familles à Lyon, depuis l’annonce de la mobilisation jusqu’au retour de la paix à Lyon. Il s’avère d’ailleurs que les correspondances féminines sont bien plus rarement conservées que les missives des soldats. 

J’ai donc persévéré dans la lecture de ces archives, en dressant en même temps l’inventaire exhaustif des lettres classées par date.
J’ai procédé à la numérisation des pages les plus significatives.
Il est très important de faire régulièrement plusieurs sauvegardes, notamment dans le cloud, pour partager avec les cousins et valoriser cet archivage.

Au fil de la lecture, j’ai pris moultes notes sur le thème de la vie quotidienne à Lyon, mais aussi sur les nouvelles que la jeune femme donnait au sujet de la famille et des relations. (André est un cousin éloigné de Thérèse, grand-mère de mon époux. Marie la rencontrait souvent place Bellecour, voir #RDVAncestral)

Je n’ai pas résisté à faire certaines recherches, pour situer les amis dont elle parlait. Certains se sont révélés être des cousins qu'il fallut relier dans l’arbre de Marie L. que je complétais ainsi.

Il était tentant de chercher la documentation pour comprendre l’Histoire et illustrer la présentation. Naturellement, j’ai vérifié les Morts pour la France, indexant ceux qui apparaissaient au fil des décès que les lettres annonçaient; parfois, lorsqu’il était question de soldat disparu ou présumé prisonnier, il m’arrivait de vérifier qu’il n’était pas déjà mort sur le site Mémoire des Hommes.

Lorsque la dernière lettre a été rangée, me voilà en train de reprendre le début du courrier de l’année 1914 que j’avais lu trop vite, il devenait important de noter plus de phrases, de numériser davantage de lettres, puisque je situais mieux certaines personnes. 

J’avais annoncé ce projet lors du généathème de janvier 2017, mais il n’était pas facile de tenir la longueur sans trop me disperser, car je voulais avoir terminé la lecture et l’inventaire avant la fin de l’été.
Mission accomplie : le diaporama PowerPoint a été présenté plusieurs fois en novembre dernier, aux Archives de Lyon et au groupe Patrimoine et Familles du Lyonnais de la SGLB.


Pour lire les billets sur cette correspondance suivre le libellé 


2017-12-01

A leur adresse …

Est-il important de connaître les adresses de nos ancêtres ?
J’aime à leur envoyer mes pensées affectueuses, lorsque je passe devant leur domicile, surtout si j’ai découvert la localisation après de longues recherches.
Je dois vous avouer que si mes descendants faisaient la même chose en levant les yeux sur les immeubles où j’ai habité, cela me paraîtrait dérisoire.
En tout cas, savoir où ils ont vécu, même peu de temps, nous permet de mieux comprendre nos ancêtres et surtout de matérialiser quelques moments de leur existence, sans prétendre toutefois que mes impressions ont été semblables à celles qu’ils ressentaient à leur époque.


La possibilité de pouvoir raconter des histoires à partir des lieux titille mon imagination.
J’ai eu envie d’explorer StoryMap. 

Sur Geneatech, le tutoriel de Sophie est très efficace, en quelques minutes on obtient une carte de narration où s’insèrent le plan, la photo et le texte.

Avec un clic sur la flèche à droite, allons voir les adresses de la famille du docteur Arcelin, à Lyon :

Pour reconstituer le parcours de Fabien et Thérèse dans Lyon,
commençons par ouvrir les archives familiales, les correspondances, les faire part, les actes d’état-civil, le livret matricule, les recensements, les annuaires …

J’apprécie de noter, à la volée, les adresses dans cet onglet du logiciel Ancestrologie dont je ne trouve pas l’équivalent sur Généatique. (Je travaille avec ces deux logiciels).


Ensuite, j’utilise un tableau Excel pour sourcer les lieux. 


Ce répertoire met au clair les adresses successives, mais il fait apparaître quelques discordances.
Faut-il considérer les numéros du tableau de recensement comme les numéros des maisons ?
Le recensement (AD 69) indique la présence de la famille au n°4 de la rue du Plat, alors que l’annuaire donne comme adresse le n°6. Plusieurs lettres ont eté adressées au n°4. Donc, le doute persiste, il faudra que je retourne photographier l’immeuble voisin, afin de vérifier s’ils ne communiquent pas.

23 rue Sala

Lorsque la famille Arcelin s’agrandit, elle doit déménager, tout en restant dans le quartier. Le grand appartement du rez-de-chaussée au n°23 rue Sala s’avère bien pratique je sais que les enfants apprécient d’entrer facilement par la porte ou par la fenêtre, en particulier pendant la 2GM.


Thérèse qui est née dans le même arrondissement, aura déménagé seulement de quelques mètres plusieurs fois au cours de sa vie.
Les amis et plusieurs générations de cousins, habitent des immeubles à proximité.
Comme beaucoup de Lyonnais, ces familles étaient locataires de leurs logements à Lyon. 
J'aimerais tant pousser la porte et pouvoir entrer chez eux afin de les retrouver.



Pour voir la ligne de vie de Fabien  (le premier des 6 billets de la série consacré à ce grand-père) 


2017-11-18

Promenade vers la Place Bellecour, en 1915

Tant d’heures passées à lire toutes les lettres de Marie, envoyée à André entre 1914-1918, m’ont permis d’entrer dans l’intimité de cette jeune femme de 26 ans et de mieux comprendre la vie quotidienne à Lyon en 1914-18.
Je fais la présentation de cette correspondance aux Archives de Lyon ce mois-ci, à l’occasion de la semaine de la généalogie.

Pour ce #RDVAncestral, je vais rendre visite à Marie, le 20 octobre 1915.


Je pousse la porte d’allée de l’immeuble*où elle habite rue Sainte-Hélène.
Oh justement, la voilà qui descend l’escalier avec ses deux enfants, Jean et la petite Anne qui a fait ses premiers pas quelques semaines auparavant.


Elle me propose de l’accompagner dans sa sortie. « Il faut que les enfants prennent l’air ».
Tous les jours entre 14h et 16h, lorsque le temps est clément, la jeune femme se montre Place Bellecour pour la promenade des enfants. Elle retrouve quelques connaissances, c’est l’occasion d’échanger des nouvelles de leurs hommes qui sont partis à la Grande Guerre.

Marie m'amène voir les canons pris aux Allemands qui sont exposés comme des trophées de guerre.



Du haut de ses trois ans, Jean est fier de raconter que son papa s’occupe des blessés dans son ambulance. Nous croisons ceux qui séjournent à Lyon, des poilus en uniforme les bras en écharpe, d'autres marchant avec des béquilles, des mutilés, des gueules cassées. Les Lyonnais sont habitués à les voir, ils sont arrivés si nombreux dans les hôpitaux.

Mais puisque le « gros petit Jean » est impatient de jouer dans le sable avec son seau et sa pelle, nous nous installons sur un banc auprès de Tanmy, la tante d’André qui se fait une joie de rejoindre sa nièce et les enfants. 

Je reconnais la jeune femme qui vient saluer Marie, c’est Thérèse, l’épouse de Fabien A. dont je vous parle dans mes articles que vous pouvez lire dans les pages précédentes. Elles habitent dans le même quartier. Thérèse est grosse de son deuxième enfant.



« Je ne sais plus que faire à manger à nos pauvres très petits, c’est une misère pour avoir une quantité suffisante d’un lait quelconque et les œufs qu’on paye 4 et 5 sous pièce sont très souvent de vraies saletés. » dit Marie. Elle se plaint surtout de la difficulté à s’approvisionner en lait. « Il n’y a plus ni automobiles, ni chevaux on ne trouve plus de laitière de campagne.» 
Je ne peux pas leur expliquer, à ces jeunes mamans dont la vie devient si difficile, que cent ans plus tard, on achète facilement le lait stérilisé, conditionné en briques qui se conservent très longtemps. A notre époque, nous avons oublié qu’autrefois le lait était livré tous les jours en ville et qu’il fallait le faire bouillir avec précaution pour le conserver un peu.

Thérèse qui a une bonne laitière, propose « d’en fournir la quantité nécessaire à Marie à condition d’envoyer tous les matins Joséphine, avec une berthe, chercher le lait chez elle.» 
Toute heureuse de cette opportunité, Marie remercie vivement la lointaine cousine de son mari.
Cependant dès qu’elle a tourné les talons, Marie me confie sans méchanceté :
« Thérèse Arcelin a une énormité de fille, élevée complètement au biberon, mais je ne l’échangerais pas contre la mienne au point de vue beauté ! »

Bien que je l’ai connue âgée, je peux témoigner que la petite Élisabeth deviendra une belle femme.
Il m’est impossible d’avouer à Marie que sa petite Anne sera emportée par la grippe espagnole avant d’avoir 12 ans.

Elle ajoute avec une pointe de jalousie: 
« Encore une qui ne s’aperçoit que bien peu de la guerre, son mari est pacifiquement à Lyon. »
Alors là, je dois expliquer qu’il travaille à réparer des blessés touchés par des éclats d’obus et qu’il sauve des vies dans son service de radiologie de l’hôpital militaire, ce docteur Arcelin, qui d’ailleurs intimide tant Marie Leclerc.

Le jeune femme est maintenant pressée de rentrer chez elle pour écrire sa lettre quotidienne à André.



2017-11-12

Fabien A. un mariage d’amour bien arrangé


Elle, Thérèse, ravissante, la taille fine, une artiste qui dessine...
Lui, Fabien, séduisant, médecin chercheur...

    


Leurs fiançailles sont annoncées en octobre 1909.


Le contrat de mariage est signé le 19 novembre 1909, au domicile de la famille de Thérèse, place des Célestins.

Sans tarder, le mariage est célébré le mardi 23 novembre 1909 à la mairie, suivi de la cérémonie à l’église Saint-François de Sales à 11 h.
Les témoins de Thérèse sont ses deux oncles; sa mère est veuve depuis neuf ans.
L'oncle paternel, Louis Chartron est d’autant plus proche qu’il a épousé Fanny, sa tante maternelle.

L'oncle, Jean Morat a certainement joué un rôle important pour organiser ce mariage, c’est ce que je vais vous expliquer...




Le jeune couple part en voyage de noces en Italie, ils réalisent le rêve des fiancés de leur l’époque.
La photo ne laisse aucun doute, ces deux-là sont heureux et amoureux.

Pourtant, il semble bien que ce soit un mariage arrangé, ce qui était encore la norme au début du XXème siècle. En tout cas, si des intermédiaires ont eu de l'influence, on se doute que le choix de la tante de Thérèse était judicieux. Jean le mari de Jeanne qui exerce comme professeur de médecine à Lyon est originaire du village où vit la famille de ce jeune docteur.
Voilà, la tante comme la nièce épousent un docteur en médecine habitant le même lieu de Saint-Sorlin en Mâconnais.
Quelques années plus tard en 1920, les liens familiaux s'enchevêtrent avec bonheur. Georgette, la petite sœur de Thérèse a 25 ans, elle est unie avec Pierre qui a 33 ans, c'est un cousin issu de germain de Fabien; le couple a  exactement le même âge que Thérèse et Fabien lors de leur mariage.


Une histoire de cœurs
Fabien avait examiné 2000 cœurs avec les nouvelles techniques des Rayons X. En effet, sa thèse de médecine, qu’il a soutenue trois ans avant son mariage, s’intitule poétiquement « les aires de projection du cœur pathologique ».

On peut lire sa thèse sur https://archive.org/details/lesformesdelaire00arce
et voilà la confirmation de mon hypothèse sur le rôle du professeur Morat : il fait effectivement partie du jury comme assesseur.

Son cœur a, semble-t-il, trouvé en Thérèse la compagne idéale, leurs deux cœurs s’unissent pour 33 ans de vie commune. 

Le cœur de Fabien s’arrête de battre en octobre 1942, terrassé par une crise cardiaque.

Sa veuve vit encore huit années, jusqu’en octobre 1950

La mémoire familiale retient que Thérèse a joué discrètement son rôle d’épouse qui a su assister Fabien. Elle dessinait les croquis de ses publications archéologiques. Elle avait une grande patience pour accepter son savant de mari, passionné par ses recherches, mais rêveur et inventif dans le domaine scientifique, il se montrait parfois incroyablement éloigné de la réalité quotidienne de sa nombreuse famille.


Pour mieux connaître Fabien, vous pouvez lire aussi :






2017-10-20

Fabien A. un collégien bien déterminé dans ses résolutions

Avant d’être un chercheur renommé, Fabien fut un collégien rebelle, à l’intelligence précoce. 


En mars 1890, je lui rends visite pour un rendez-vous ancestral   (#RDVAncestral).
Dans la salle d’étude du collège de Mâcon, le jeune garçon de 13 ans est penché sur la lettre qu’il écrit à son père.
Il souhaite un échange de lettres tous les deux jours parce que, dit-il, je pourrai m’entretenir avec mon père sur l’histoire naturelle et surtout que je m’ennuie à mourir depuis quelques jours.
Fabien semble en colère et sa plume court sur le papier. Il pense à haute voix :
« Je vous demanderai aussi de bien vouloir m’expliquer ce que c’est que le vent »
« Je demande pourquoi à tout ce qu’on me dit, parce que si je ne sais pas pourquoi un chose se fait, je ne veux pas en entendre parler. »
Je n’ose l’interrompre, mais il lève les yeux et me dit qu'après tout, je peux bien lire ses lettres puisqu’elles seront censurées par le Père Noirot avant l’expédition.

Je vois que tu as été le premier en arithmétique. 
Sans attendre mes compliments Fabien enchaîne :
« J’ai été 1er en histoire et géographie ; dans la composition précédente j’avais été le 3ème. Mon aversion pour l’histoire devient plus grande de jours en jours. Bientôt je la haïrai tout à fait » …
« En fait d’histoire il n’y a que l’histoire naturelle qui puisse m’être utile »…
D’ailleurs j’ai commandé à ma marraine un dictionnaire d’histoire naturelle. « Si ma marraine ne veut pas payer mon dictionnaire entièrement je payerai ce qu’il faudra, mais j’en veux un à tout prix, l’histoire naturelle passe avant tout, vive l’histoire naturelle ! »

Nous savons que Fabien va se distinguer comme médecin radiothérapeute ; ainsi dès son plus jeune âge il avait vocation à soigner les malades. 

Relisons ensemble la lettre ci-dessus
« Je désire que vous me donniez un livre contenant toutes les maladies de l’homme, et énumérant les effets produits par ces maladies et comment elles se guérissent. Ou bien un livre disant comment on prépare un squelette et comment on le monte »

Le jeune garçon est déjà un chercheur qui fait des expériences sur les animaux pour comprendre « l’histoire naturelle » qui le passionne.
 «J’ai passé la grammaire française. Je l’ai bien sue. Jusqu’à présent je ne suis pas en retenue, c’est tout ce qui me faut. Mon but c’est pas de le passer pour être le premier, mais c’est pour ne pas être en retenue afin que je puisse prendre le squelette de plus de bêtes que je pourrais et d’apprendre le plus d’histoire naturelle que je pourrai. »

Fabien me demande si je connais le prix d’un scalpel. Il en aura besoin lorsqu’il rentra chez lui pendant les prochaines vacances de Pâques car il a plein de projets qu'il m’explique :


 « Chaque fois que j’ai un moment de libre, je cherche dans ma tête le moyen de trouver le moyen de prendre des bêtes et comment les monter. 
Aussi j’ai projeté pour les grandes vacances de chercher des bêtes crevés ou en vie tout la journée et de les dépecer tout la nuit. 
Et je veux qu’avant la fin des grandes vacances ma chambre du grenier soit rempli de rayons et que ces rayons soit remplis d’animaux réduits en squelettes. »

« Je vous écris pour vous demander combien un mulet ça coûte, l’idée m’est venu que si j’en achetais un ça me serait utile pour aller chercher des bêtes aux travers des bois et des montagnes. Et puis est-ce que copier une fois une liste de verbes irréguliers, ça peut vous les apprendre ? Je désire le savoir car j’ai ça à faire à cause que j’ai pas su le verbe saillir. Si ca ne peut pas m’y apprendre, je n’y ferai pas. Dites moi ce que vous pensez. »

La question semble s’adresser à moi, qui ne suis que l’épouse de son petit-fils, alors puisque je suis là auprès de lui, je me sens obligée de l’encourager à étudier avec patience dans cette pension si triste. Le docteur, qu’il se prépare à devenir, sera capable de maîtriser autant la grammaire que l’histoire, la géographie et tant d’autres connaissances qui feront de lui un savant respectable.

Ces lettres, adressées à son père en 1890, ont été conservées et c'est une belle surprise de pouvoir ainsi entendre la voix du jeune garçon attachant qui les a écrites.

Pour savoir ce qu'il va devenir, vous pouvez lire aussi :


2017-10-16

Fabien Arcelin, un radiologue pendant la Grande Guerre

Les rayons X

Le jeune étudiant se passionne pour les rayons X, la recherche est encore récente puisque les rayons X ont été découverts en 1895.
Fabien a soutenu sa thèse de médecine le 7 février 1906, à Lyon. Dans le laboratoire de l’Hôtel-Dieu, avec d’Etienne Destot, son directeur de thèse, il perfectionne les techniques de radiographie pour étudier les pathologies du cœur et son travail intéresse le milieu médical, car les applications sont prometteuses.
En mai de cette même année, il est nommé chef du Laboratoire de Radiologie de l’Hôpital Saint-Joseph à Lyon.

Les 5 pionniers de la radiologie à Lyon

Fabien est le plus jeune des cinq les pionniers de la radiologie : 
Etienne Destot, Victor Despeignes, Antoine Bouchacourt, Claudius Regaud. 
Ils sont actuellement mis à l’honneur dans l’exposition Rayons X aux Archives de Lyon.

Fabien Arcelin 1918

Entre 1914-1919 pendant la Grande Guerre

En 1914, Fabien a 41 ans.
En juin 1914, participant à un congrès d'urologie, il envoie des cartes postales à sa femme depuis Berlin.

Mais les événements vont se précipiter dans les semaines suivantes.

Le 19 juillet, naissance de son premier enfant Élisabeth.

Du 27 au 30 juillet, pendant l’Exposition Internationale de 1914 qui se tient à Lyon,  il est rapporteur du 7e Congrès International d’Électrologie et de Radiologie Médicales. Dans le grand amphithéâtre de la faculté de médecine, il donne une communication intitulée : Phénomènes cutanés tardifs dus à la radiothérapie.

Quelques jours plus tard la guerre est déclarée, les collègues allemands, avec lesquels il travaillait, rentrent chez eux dans un pays qui devient ennemi.
Le 2 août, les médecins sont tous mobilisés, Fabien est affecté au service radiologie et au centre vaccinogène de l’Hôpital Desgenettes à Lyon qui se trouvait alors sur les quais de Rhône (à l’emplacement de l’actuel  Sofitel).
Sa fiche matricule[1] est riche de renseignements sur ses responsabilités pendant cette période #1GM 

Le 28 décembre 1916 désigné pour équipage radiologique n°2 _1e division technique
Le 27 octobre 1917 promu médecin major 2e classe

Il est démobilisé le 26 octobre1919.


Le travail d'un radiologue #1GM


C'est un travail particulièrement difficile car les blessés affluent à Lyon qui est une ville hôpital réputée pour la qualité des soins.
Le docteur Arcelin contribue à perfectionner la radiologie et pratique la radiothérapie. Il améliore les instruments et le matériel, notamment la table radioscopique[1] «et surtout la rend moins dangereuse» comme on peut le lire dans cet article qui fait l'éloge avec humour.

Gazette médicale janvier 1916 source Gallica (note 1)
Le radiologue est un assistant essentiel pour le chirurgien, son fluoroscope aide à voir les zones à opérer, les balles et même les minuscules éclats d’obus à extraire.


Voici quelques cas, relatés dans La Gazette médicale de Lyon, (source Gallica)
parmi tous les blessés qu’il a contribués à sauver il y a ces hommes :
Soldat M , blessé le 30 décembre 1914. La radiographie pratiquée par M. Arcelin montre une balle de fusil dans la région ombilicale, bon rétablissement après l’opération.
Soldat blessé le 24 août 1914 déplacement de la balle dans la vessie qui a pu être localisée par la radiographie, le malade est opéré le 27/05/1915


Ses confrères sont élogieux mais le docteur Arcelin a déjà compris les risques liés à l’utilisation des rayons X [3] . Il sera le premier à lancer, dès 1911, un sondage auprès de ses confrères sur leur danger.

Sa vie de famille entre 1914-1919


Pour une présentation aux Archives de Lyon, il se trouve que j’étudie actuellement un fonds de correspondance de 1914-18 qui nous donne quelques nouvelles de la famille de Fabien à cette époque. Marie, l’épouse d’un cousin de sa femme, écrit que Thérèse a plus de chance que la plupart des épouses de militaires, car son mari est resté pacifiquement à Lyon auprès d’elle. Bien sûr Marie n’est pas consciente du travail formidable du docteur Arcelin qui a sauvé tant de blessés.
Elle nous apprend qu’en 1918 Fabien travaille à l’hôpital de Valence où son mari est muté lui aussi.
D’ailleurs, la famille de Fabien et Thérèse va s’agrandir, en 1915 - 1916 et 1918 vont naître successivement Adrien, Suzanne puis Madeleine. Trois autres enfants arriveront les années suivantes. A eux sept, ils constituent ce que leur père, trop occupé professionnellement pour les guider, appelle « ma meute ».

Fabien Arcelin est chevalier de la Légion d'honneur le 20/06/1920.

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
Les pionniers Lyonnais des radiations, Fabien Arcelin

Voici la vidéo réalisée par Amaru et le professeur Nicolas Foray, pour le Centre de cancérologie Lyon Bérard. 
à voir sur  YouTube :


                                              
 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
Sources 
[1] AD71_1R_1896_4779_D

Pour lire l'article intégralement sur Gallica :
Le précédent billet montre la ligne de vie de notre grand-père

Dans le billet suivant , vous lirez ses lettres de collégien précoce

et vous ferez la connaissance de l'élue de son coeur

2017-10-09

Fabien A. ligne de vie


Puisque les Archives de Lyon[1] nous invitent à l'exposition Rayons X[2]
qui met à l'honneur les pionniers de la radiologie à Lyon,
il est temps de rendre hommage à Fabien Arcelin, l'arrière grand-père de nos enfants.

Fabien A

Pour aborder son histoire, le modèle qui s’impose c’est la ligne de vie.
Depuis que j’ai vu celles proposées par Élise[3], je me sers d’un tableau Excel pour mettre en ordre les dates, les événements, les sources. Ainsi commence à se dessiner son parcours.



J’ai cherché un logiciel pouvant inclure les photos dans une timeline.
J’ai testé TIMEGRAPHICS qui permet de créer une chronologie online.
Le résultat reste intéressant, même si je n'ai pas eu la possibilité de l'adapter comme je l'aurais voulu. On peut regretter que les photos soient minuscules, l’obligation de mettre des dates précises n'est pas ce qui conviendrait lorsqu’on ne connait qu’approximativement l’année du cliché. Je regrette de ne pouvoir intégrer un document de meilleure qualité sur ce blog. Mais le design est attrayant si on zoome sur la chronologie en ligne.

Voyez le résultat de la timeline,  il est provisoire, car elle va s'étoffer d'événements et de photos.



Fabien Arcelin a vécu entre 1875 et 1942

Ses descendants le confondent trop souvent avec son père Adrien, appelant ce dernier "Le Grand-Père". Ils connaissent peu de choses de sa vie, car les exploits de ses filles effacent cet homme qui a pourtant réalisé de belles choses.

Moi même, j'avoue ne pas savoir toujours attribuer son nom sur les photos où il faut veiller à le différencier de son père. Et voilà qu'au moment de les choisir pour ce billet, j'ai des doutes sur la plupart des portraits.

Ce projet va nous permettre de rechercher des histoires de sa vie et de vous en faire le récit (si j’y arrive.)

Quelques billets dédiés à Fabien:


Sa passion pour l’archéologie

Auriez-vous d'autres suggestions pour intégrer une timeline  avec des photos de meilleure qualité ?





2017-09-27

Une constellation familiale en Luberon

Nuit étoilée en Provence _ Vincent Van Gogh

Le ciel du Luberon offre une exceptionnelle luminosité, c'est à Saint-Michel que se trouve l'Observatoire de Haute-Provence.
Mon ancêtre, Jean Mauroux, qui habite Aubenas, s’est rendu à Saint-Michel pour déposer son testament chez Me Beaudin, notaire.

C’était en 1656, le vingt uniesme jour du mois d'aoust.

A cette période de l’été, les étoiles filantes enchantent les nuits provençales. Lorsqu’on en voit une, il faut vite énoncer trois vœux.
Les miens ont porté leurs fruits cet été ; ayant cherché ce testament à Digne, dans les Archives 04, j’ai trouvé ce registre (cote2E12994) qui nous éclaire sur la famille.


La constellation familiale autour d’Estienne Mauroux (sosa 1162) se dessine et rassemble les individus dispersés dans les villages voisins, où j'ai aimé m'attarder un soir d'été en pensant à leur vie.

Aubenas-les-Alpes dans le Luberon


Voici ses sœurs, et ses neveux (clic pour agrandir)


Ce testament nous apprend le prénom de l’aïeul, Balthazar Mauroux (sosa 4648).
Il y a trop de lacunes dans les registres paroissiaux d’Aubenas-les-Alpes qui ne commencent qu’en 1668. Hélas, je ne trouverai jamais les dates de naissance des enfants de Jean, ni aucun renseignement sur sa parenté.

L’épouse de Jean est Magdeleine Reynier (sosa 2325), j’aimerais bien pouvoir la relier à ses parents, notamment à Louyse Reynier avec qui Jean signe des quittances et dont le testament se trouve dans ce registre.

Je vais donc m’intéresser aux sœurs d’Estienne qui rayonnent autour d’Aubenas :
Catherine est l’épouse d’André Croze Magnan, demeurant à Saint-Mayme.
Venture au joli prénom est veuve d’Antoine Doneaud à Vachères.
Jeanne est l’épouse de Vincens Arnaud de Reillane.
Gaspard est marié avec Marguerite Simeon(ne).
Fils aîné, il hérite des propriétés de ses parents, ses sœurs ont été mariées dans les bourgs alentours, tandis qu'Estienne, qui habite Marseille, ne doit pas revenir souvent.
Pour parler d’Estienne, je ne connais de mon aïeul que son contrat de mariage avec Anne Gatte, en 1655, et celui de sa fille Thérèse Mauroux en 1677, dans les registres trouvés à Marseille.

Chacun a reçu son héritage lors du contrat de mariage. Le père fait quelques réajustements en leur donnant trois livres supplémentaires.
Il n’oublie pas de confier à Gaspard le soin d’entretenir et de nourrir sa mère, ce qui ne sera pas une grosse charge puisque Magdeleine Reynier ne survivra à son époux que quatorze mois.
Jean Mauroux va mourir le 1 octobre 1670, à Aubenas.

Jean Mauroux, 1656

L’an dernier, j’ai visité avec ravissement le minuscule village d’Aubenas les Alpes et je vous propose de suivre le lien pour voir les belles rencontres qui m’ont fait découvrir les bastides Mauroux et Reynier. Je ne m’attendais pas à voir ces maisons aussi solidement habitées.
A visiter :