2018-11-17

O_D’or et d’argent


Que fait donc un tireur de fils d’or et d’argent ?
Pour essayer de le comprendre, j’ai prévu un RDVAncestral en 1757, à Lyon

Je me rends au Passage de l’Argue, où se trouve un atelier pour le tirage des matières d’or et d’argent. En attendant que notre ancêtre Laurent Sauzion passe par là, je vais observer comment se déroule le filage de l’or. 
Pendant que les tireurs étirent les lingots, des ouvriers font tourner l’argue où s’enroule le fil.

L'atelier de l'Argue

Voilà Laurent Sauzion (sosa 706) qui arrive.
Je lui demande s’il exerce bien toutes ces professions dont les différents intitulés nous intriguent. 
« On dit que vous êtes tireur d’or ou plus précisément : maître-tireur-escacheur et fileur d’or et d’argent. Est-ce que vous tenez encore un commerce comme marchand écacheur d'or et d'argent ? »

C'est bien compliqué de comprendre comment tous ces métiers s'enchaînent. J'essaye de ne pas interrompre les explications qu'il me donne :

Le batteur d’or est à la fois tireur et écacheur.

L’escacheur est celui qui fabrique des lames d’or, il aplatit le métal en le faisant passer entre deux rouleaux du moulin à battre. On dit qu’un fil est écaché lorsqu’il est aplati.

Ecacheurs

Le tireur d’or est celui qui le fait passer à travers un pertuis pour obtenir un fil très long et délié.
Le fileur d’or roule le fil d’or aplati autour des fils de soie qui se trouvent alors cachés et on les appelle l’âme.


« Mais où vivez-vous pour ne pas savoir que tant de personnes travaillent à la production des étoffes de soie, d’or et d’argent qui font la réputation de Lyon ? » s'exclame-t-il.

Je me présente : « Je suis la mère de votre petit fils, descendant à la Xe génération. Selon les jeunes d'aujourd'hui, « tirer de l’argent » au distributeur de monnaie est un acte banal lorsque le compte est approvisionné. Puisqu’il me demande de lui expliquer le métier de ses ancêtres, c’est pour mieux comprendre que je viens vous voir aujourd’hui.»
L’aïeul s’étonne à propos de ce que fait mon fils, je ne sais comment lui décrire nos pratiques. Alors, il déplore l’ignorance de ses descendants du XXIe siècle.


Le sieur Sauzion devait passer au contrôle du bureau de l’argent, situé rue de la Monnaie. J’ai du mal à le suivre, il est pressé et je ne comprends pas son activité. Pour faire bonne figure, je lui confie que je m’intéresse à l’histoire de Lyon et à sa famille.

Pour mieux m’expliquer,  notre tireur d'or me propose de visiter la maison où se trouve son atelier. Il me conduit chez lui, montée de la Grande CôteSaint-Sébastien.
En route, l’homme se montre affable, il me raconte qu’il a marié ses deux filles à des maîtres-fabriquant d'étoffes de soie, l’une en janvier, l’autre en avril de cette année 1757.
« Marguerite est notre ancêtre », lui dis-je (sosa 353). Cela le fait sourire, notre aïeul !

Il est fier de ses enfants.  François, l’aîné, est maître fabriquant d'étoffes de soie. Sébastien travaille avec son père et sa mère, il est maître-guimpier.
Je demande « Que fait un guimpier ? »
Laurent éclate de rire, « Cela non plus, vous ne le savez pas. Ce métier aurait-il disparu ? »
« Le guimpier est un tireur d’or, il fabrique le fil d’or utilisé par le fileur d’or » dit-il.
 « Mon père était maître-guimpier, il est devenu marchand en 1726. » Il ajoute : « Jacques, le père de ma femme Benoîte Madinier, est aussi maître-guimpier. Son grand-père Bernard Bouvier exerçait le même métier ».


En passant devant l’Hôtel de ville, il commente :
« Savez-vous que, lors des fêtes des réceptions officielles à l’Hôtel de Ville, lorsque sont invités les princes de haut rang, nous, les tireurs d’or et d’argent, nous leur montrons la reconstitution de l’atelier avec les filés d’or, les laminoirs d’écachage, les rouets de moulinage... Nous offrons des étoffes de soie, d’or et d’argent pour témoigner de la magnificence de notre cité. Et... vous ignorez notre métier ?
Il va falloir que vous expliquiez cela à mes descendants, Madame ! »


Cousu de fil d'or

Je m’attendais à un rendez-vous nimbé d’or et d’argent de soie et de brocard somptueux, et je découvre un artisan besogneux maîtrisant la technique de fabrication du fil.
Je pourrais lui montrer le reportage (avec ce lien), pour preuve que tisser les fils d’or et d’argent demeure un savoir-faire lyonnais qui continue à travers les siècles.

Si vous voulez voir la maison de cet artisan,
il faut grimper la Montée de la Grande-Côte


Sources des images:
Encyclopédie Diderot d’Alembert- 1784
Atelier de batteur d’Or XVIIIe siècle

9 commentaires:

  1. Un ancêtre plutôt moqueur mais qui n'hésite pas à expliquer son métier ! Bravo pour ce # ChallengeAZ couplé avec le #RDVAncestral!

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  2. On a vraiment envie de faire un stage pratique pour apprendre ces métiers très techniques qui tournent autour de cet hypnotique métal que l'on appelle or

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  3. Bravo pour se beau boublé, on a l'impression d'y être.

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  4. Il m'a été difficile de comprendre ce que faisait cet artisan. Je ne suis pas sûre d'avoir tout retenu des explications de Laurent, cet ancêtre très occupé avec un métier qui nous étonne.

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  5. Bravo pour cet article ! Il faut que je lise ton challenge de cette année (qui me parle à cause de mes ancêtres marins à Sanary) et tes anciens articles !

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  6. Bravo pour cet article ! Il faut que je prenne le temps de lire tous tes billets, ton challenge de cette année m'intéresse à cause de mes ancêtres provençaux ( à Sanary) et tes articles lyonnais sont passionnants !

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  7. Bonjour
    Je prends connaissance de votre article. Si vous voulez en savoir plus, et si besoin, démonstrations à l'appui, prenez contact avec notre association : trevoux.privals@gmail.com
    Trévoux située 25 km au nord de Trévoux était une principauté et en concurrence avec Lyon pour le tirage d'or. Nous avons reconstitué une argue et un banc à tirer et nous faisons des démonstrations dessus. Michel président PRIVALS

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    1. Votre message est une jolie surprise. Merci d'avoir lu ce billet. Bien sûr, j'ai envie d'organiser une visite pour voir l'argue en action à Trévoux. j'espère que ce sera une occasion de vous rencontrer.

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  8. J'ai relu avec plaisir, que de savoir-faire, d'étapes différentes

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