2017-12-16

Noël triste en 1917

En ce jour de décembre 1917, il fait très froid, Marie marche d’un bon pas dans les rues grises de Lyon.
Pour ce RDVAncestral, je la retrouve à nouveau (nous étions ensemble au #RDVAncestral Place Bellecour en novembre), telle une amie proche puisqu’elle m’a déjà raconté sa vie quotidienne à travers sa correspondance.

La jeune femme veut choisir les cadeaux qu’elle offrira aux enfants pour leurs étrennes. André passera ce Noël triste auprès des blessés dans son ambulance. Il a chargé son épouse de s’occuper des cadeaux pour ses filleuls.
L’an dernier, elle avait offert « une boîte de soldats avec voiture d’ambulance » à son neveu qui en a beaucoup joué.



La jeune tante n’hésite pas en entrant dans la librairie, elle sait déjà que Maurice (qui deviendra un homme fort important plus tard) va recevoir le best-seller de 1917. Elle commande « L’enfance de Bécassine un livre que tout le monde veut cette année pour les enfants tant il est amusant paraît-il »


Pour Jacqueline qui va avoir onze ans, le choix est plus délicat, Marie a pensé lui envoyer « un très joli album de cartes postales. » La petite et ses quatre sœurs aînées sont orphelines depuis le mois d’août, Pierre était capitaine d’infanterie. André, attentif à ses nièces, va aider la femme de son frère.


Marie essuie une larme en me confiant que dans sa famille les fêtes ne seront pas réjouissantes. William, père de quatre enfants, a été tué le mois dernier et Madeleine, la sœur de Marie reste dans un chagrin immense, tous essayent d’éviter de parler de ce qui pourrait la faire pleurer.

Depuis l’an dernier, Marie déplore la tristesse ambiante à Lyon :
 « Les magasins à peine éclairés où les montres somptueuses du temps jadis ont été interdites vous rappellent vite à la réalité. [L'an passé, pour la messe de minuit] Les églises n’étaient que peu éclairées […] vous rappelaient tristement le temps où nous vivons. On devient très sévère pour les économies du point de vue de l’éclairage »

Je demande à Marie ce qu’elle va offrir à son petit Jean.
Elle pourrait agrandir la collection des petits soldats de plomb qu’André avait envoyé à son fils, le petit était si fier de recevoir ces soldats miniatures pour jouer à la guerre « comme son papa ». Prudente, la jeune maman a su veiller à ce qu’il ne les jette pas à la tête de sa petite sœur. Lorsque Jean s’excitait dans une bataille, elle le distrayait en lui montrant des livres d’image représentant des soldats.


Il y a deux ans, elle avait acheté un ravissant cadeau, fabriqué par des mains adroites, qui a enchanté son petit garçon :
 « Une tente de toile grise achetée à la vente de Fanny Chartron, dans cette petite tente, il y a un blessé sur un très drôle de petit brancard en bois, une dame infirmière et un général sur le seuil le tout minuscule et très bien fait, le général est superbe avec sa profusion de médailles. »

Marie aime se rendre aux ventes de bienfaisance, c’est certainement une obligation sociale, il faut s’y montrer et dénicher des bricoles à acheter, on trouve des objets qui feront des cadeaux économiques doublés d’une bonne action. C’est aussi une occasion de rencontrer la famille et les connaissances qui œuvrent dans ces associations lyonnaises.

poupées coll. J Sylvestre BM Lyon

Marie me propose de l’accompagner à la vente de Fanny. Je serais ravie de rencontrer cette arrière-grand-tante fantasque dont j’ai entendu quelques anecdotes racontées par Jacqueline sa petite fille. (Mais ceci est une autre histoire)

Je n'ose pas souhaiter un « Joyeux Noël » à Marie, pourtant je sais qu’il y a du bonheur dans sa vie malgré les années difficiles de la Grande Guerre.

7 commentaires:

  1. Encore un éclairage très intéressant sur le Lyon de la guerre, merci. Une question sur les illustrations, est ce que ce sont les petits soldats dont tu parles dans l'article ?

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  2. J’essaye, lorsque je peux, d’illustrer mes billets avec des photos personnelles en lien avec l’histoire que je raconte. Ici c’est une exception, j’ai cherché des images de jouets de cette époque (il faudrait que je cite la provenance.)
    Les lettres appartiennent aux descendants de Marie. Ce ne sont pas mes archives et je les ai rendues après les avoir étudiées.
    Que sont devenus les petits soldats de Jean ? C’est une jolie question pour continuer l’enquête. Merci pour ton commentaire Brigitte.

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  3. J'aime beaucoup ton texte. On ressent beaucoup l'atmosphère de cette époque de guerre avant Noël où se mêle tristesse et volonté de rendre le moment un peu plus heureux pour les enfants. Tes sources sont d'un grand intérêt car elles permettent de rentrer dans l'intimité de ces hommes et ces femmes qui ont vécu avant nous.

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  4. Ce rendez-vous est parfaitement bien choisi ! Même s’il est triste, j’aime beaucoup les textes qui raconte la vie civile pendant la Grande Guerre. Même si le temps semble suspendu pendant 4 longues années, la vie continue...

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  5. Merci de nous faire partager ces moments à la fois doux et durs de la 1ère Guerre Mondiale. Les illustrations redonnent vie aux souvenirs.

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  6. Un joli texte très sensible qui donne à réfléchir alors que l'on s'apprête à connaître une fois de plus la folie mercantile des achats de Noël !

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  7. Toujours en petites touches, tendresse et proximité, cette période de fêtes en temps de guerre n'était pas évidente pour tous. S'agissant des jeux et des jouets des enfants, il y a sur Gallica certaines affiches fort révélatrices.

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