2016-07-29

Barjols, 1801, une visite à Cécile Audibert

Nous avions rencontré Cécile toute jeune fille, elle avait vingt ans à la veille de son mariage, en novembre 1785. Elle a quitté notre village pour vivre dans la famille de son mari, Joseph Burle, maître boulanger à Barjols.


J’ai souvent pensé à Magdelaine Allier (sosa 173) qui devait aller voir sa fille. Barjols est distant de 25 km de Saint-Julien.

Allons leur rendre visite dans le quartier de la Grand'rue à Barjols, au début de l’année 1801.
A cette époque-là, Cécile a 36 ans, elle va bientôt mettre au monde son cinquième enfant.
Magdelaine est sans doute présente lors du romérage le 16 au 19 janvier. Il s’agit de la fête votive, celle de saint Marcel, le patron de Barjols qui a inspiré le prénom de tant de garçons. C’est une fête spéciale qui mêle les danses païennes et les rites catholiques. Dans l’église, le curé et ses paroissiens dansent les tripettes devant le buste du saint. Les bravadeurs tirent des salves de tromblon, la procession s’achemine à la rencontre du bœuf gras tout enrubanné. Les messes, les danses, les farandoles au son du fifre et des tambourins se succèdent; le troisième jour est celui du sacrifice du bœuf qui sera rôti et dégusté par la population.

Devinez quel prénom porte le nouveau bébé de Cécile ? 
Je suppose qu’elle a fait le vœu d’avoir un fils pendant la messe du romérage.
Hipolite Marcel est né le 26 janvier. La jeune maman a besoin de l’aide de sa mère encore bien vaillante à l’âge de 62 ans.
Mais que lui arrive-t-il ? Le 22 pluviôse an 9, Magdelaine gamberge, elle se sent bien fatiguée. Elle meurt brutalement à 10 heures du soir. Son petit-fils, nouveau-né, n’a que deux semaines. Voilà Cécile bien désemparée, elle va faire prévenir son frère Jean François, aubergiste à Saint-Julien. Cécile pleure sa maman. 
De plus, elle est très inquiète pour son petit Joseph Laurent âgé de 2 ans et demi lequel est bien fiévreux. Le lendemain, à la même heure de 10 h du soir, l’enfant ne respire plus. Cécile pleure deux fois plus, si une telle chose est possible.

Quel triste enterrement !  La grand-mère et son petit-fils se sont suivis en quelques heures !

Voici l’acte de décès de l’enfant (AD 83). Il contient une erreur sur le nom de sa mère qui est appelée Magdelene Audibert, du prénom de la grand-mère décédée le jour d'avant.


Lisons attentivement l’acte de décès de Magdelaine Allié, lequel pourrait encore nous induire en erreur. Elle n’avait pas 64 ans, mais 62 ans et deux mois. Née à Grand Bois qui ne se trouve pas dans les Basses-Alpes mais dans le Vaucluse. Je sais maintenant qu’il s’agit de Grambois que je vous présenterai dans un prochain article; rassurez-vous, je connais aussi le nom de sa mère que les témoins ignoraient. Cependant, on apprend que Magdelaine « se trouvait cazuellement à Barjols» ce qui confirme que cette bonne grand-mère était venue à Barjols à l’occasion de l’accouchement de Cécile.



Cécile et Joseph ont eu huit enfants 

Famille de Cécile Audibert _(clic pour agrandir)

Les prénoms des enfants décédés seront réutilisés par les suivants.
Élisabeth c’était la grand-mère d’Élisabeth « Cécile » qui a donné son prénom à ses deux fillettes L’aînée, Françoise Élisabeth est née six ans après le mariage de ses parents, elle n’a vécu que 25 mois. Sa cadette Élisabeth Fortunée aura-t-elle eu une meilleure fortune ? Je ne sais.
Joseph Laurent qui vient de mourir porte le prénom de son père qui devait être heureux d’avoir enfin un fils et celui de son oncle Laurent Burle, potier à terre.
Magdelaine a porté sur les fonts baptismaux, le 29 vendémiaire de l’an 8, sa petite fille, Ursule Magdelaine.



Cécile n’a pas eu de chance avec ses bébés, j’étais triste pour elle en notant autant de décès ; et encore, je n’ai pas examiné tous les registres BMS de Barjols.

Joseph Guillaume a vécu seulement quinze mois.

Françoise Clémence avait trois mois, ce qui me pose question c’est qu’elle morte à Saint-Julien. Était-elle en nourrice ? Sa mère s’occupait de la vente du pain à la boulangerie ; à l’âge de 42 ans, la charge d’un nouveau né supplémentaire devait la fatiguer, elle a pu se décharger de cette toute petite fille. L’aurait-elle confiée à la femme de son frère Jean François ? Thérèse avait 41 ans, elle-même devait être bien occupée avec son neuvième enfant, né deux mois avant Françoise Clémence, mais elle pouvait allaiter sa nièce qui aurait alors vécu dans notre maison. En tout cas, c’est le père de Thérèse, Pierre Philibert qui est allé faire la déclaration du décès de la petite, en 1806.

Quant à Gertrude, il sera intéressant de s’attarder sur sa vie, dans le prochain article.

2016-07-22

Péter Esterhazy


Harmonia  cælestisPéter Esterhazy, Gallimard, 2001, 609 p.
Revu et corrigéPéter Esterhazy, Gallimard, 2005, 400 p.



Péter Esterhazy était venu à Lyon, lors des AIR 2008, pour une rencontre avec Hélène Cixous. Le thème : « Le secret des origines : faire la lumière » les a conduits à discuter  de la littérature explorant les généalogies.
Dans le roman Harmonia  cælestis,  Péter Esterhazy entreprend de raconter l’histoire de sa famille qui fut une des plus anciennes et plus puissantes de Hongrie et même d’Europe.
« Je me trouve dans la situation de tous ceux qui examinent leur arbre généalogique : je me rends compte combien je sais peu de choses de mes aïeux. Mais enfin on sait toujours peu de choses d’eux, on ne peut savoir d’eux que ça, peu, indépendamment de la famille et de la documentation ; la seule chose que nous arrivions à découvrir, c’est que notre grand-père a été un vieux monsieur respectable, portant la barbiche, un homme de haute moralité, chose que prouvent ses sept enfants. » (p.305)

Le lecteur ne s’attend pas à voir débouler tant de pères, de grands-pères et de fils de leur père, dans des situations si cocasses. Il faut préciser que la confusion des générations se révèle extrême.
« J’avais un lointain et mystérieux « mon père » - appelons mon père ainsi » (p.19)
Et de fait, tous les hommes sont désignés ainsi « mon père » Leurs portraits se dessinent en lisant les fragments qui composent la première partie du livre. Il suffit de se laisser entraîner par le brio et l’humour de milliers d’anecdotes, vraies ou fictives. L’auteur ne craint pas d’exagérer, de forcer le trait, d’inventer des histoires invraisemblables, parmi lesquelles se glisse l’Histoire de la Hongrie.

Lorsqu’on est en quête de modèle pour rédiger sa propre généalogie, si modeste soit-elle, comparée à celle de la famille Esterhazy, on jubile en voyant tout ce que Péter E. se permet d’imaginer et d’écrire. Le style est époustouflant, agaçant, iconoclaste. Il pourrait être une source d’inspiration pour tous les généalogistes qui oseraient se lancer. D’autant que chacun peut se reconnaître dans cette posture de chercheur de traces concernant son histoire familiale.

« Le fils de mon père connaissait et ne connaissait pas mon père. Mon père avait beau être son père, c’était un étranger dans la nuit. Il ne savait rien des vraies pensées de mon père, de ses rêves, de ses désirs, de ses sentiments. » p.252
Péter E. a écrit ces lignes avant qu’il ne découvre le secret de son propre père. Ayant l’occasion de consulter le dossier de cet homme, il révèle que celui-ci était un agent de la police secrète du régime communiste.
Que faire de ce terrible mensonge qui laisse dévasté le fils de ce traître de père ?

Pour retrouver le sens de la vie et ne pas sombrer dans le désespoir, il va écrire Revu et corrigé. Dans ce livre, le ton apparaît moins léger. L’auteur fréquente les archives, consigne les extraits du rapport à l’encre rouge et les complète de ses réflexions personnelles et autres souvenirs d’enfance. On découvre alors l’ambiance sombre du siècle dernier en Europe de l’Est ; à cette époque  le régime imposait un système où l’on devait se méfier de tous.
Lorsque Péter Esterhazy s’est rendu aux archives pour savoir s’il avait été surveillé, il était tranquille, le sujet n’avait pas une grande importance et son chef d’œuvre Harmonia cælestis, dont l’écriture avait duré dix ans, venait d’être achevé. On lui remet les dossiers, il tombe de haut en découvrant que son père était un indic. A-t-il cimmis une erreur fatale en lisant ces rapports qui auraient dû rester secrets ?  
Certainement, car on ne se relève pas d’une telle honte, d’un tel mensonge qui entache la légende paternelle.

Péter Esterhazy vient de décéder,
le 14 juillet 2016.

Pour écrire cet hommage, je reprends ces deux livres si lourds, 1000 pages à eux deux, j’en avais lu, de chacun, la moitié. Je suis happée par la force littéraire de ce chef-d’œuvre, envahie par l’émotion que je n’avais pas ressentie de façon si intense, à la première lecture
Voilà des pages qui pourraient inciter à décoller de la banalité de nos généalogies pour leur donner la puissance de l’épopée.

2016-07-16

Hit de mes articles

Je suis heureuse que ce ChallengeAZ 2016 m’ait donné l’occasion d’approfondir l’histoire et la généalogie de ma maison. Entourée de vous tous généablogueurs, j’étais en confiance et j’ai réussi à publier ces billets que je n’aurais pas pu écrire s’il n’y avait eu ce cadre contraignant mais productif.


Mes lecteurs je les connais à travers les partages et les like sur Twitter et Facebook. J’aime lire les passionnés de généalogie qui publient sur leurs blogs et nous nous inspirons mutuellement.
Je remercie sincèrement ceux qui se sont arrêtés sur ces pages pour écrire des commentaires.
D’autres visiteurs restent dans l’anonymat et j’avoue que j’aimerais faire leur connaissance, savoir par quelle porte ils sont entrés et à quels menus ils ont goûté. J’ai tout de même une petite idée de la fréquentation de ce blog, c’est sympa d’accueillir de nouveaux visiteurs. Deviendront-ils de fidèles lecteurs ?

La page qui s’ouvre sous l’onglet ChallengeAZ
sert de présentation et de table des matières,
elle a été bien utilisée
pour s’orienter en ce mois de juin.



Voici les billets les plus lus :

A_ à l’Auberge 
Ce billet ouvrait le challenge et donnait l’ambiance de cette maison provençale où l’on peut s’arrêter pour boire et  manger.
Le bilan se tiendra à l’auberge un mois plus tard.
J_le Jupon d’Eléonore 
Ce jupon attira le plus grand nombre de visites. Peut-être mes lecteurs ont-ils été déçus car l’histoire n’était pas coquine comme le titre pouvait le laisser supposer, ce n’était pas intentionnel, je voulais juste vous donner à réfléchir sur le dérisoire des traces que nous laissons.
E_ un Enfant déposé dans l’escalier 
Mes lectrices sont pessimistes et vont jusqu’à affirmer que l’esprit de ce petit fantôme demeure sur le seuil de la maison.
U_ Ustensiles usés 
Ils ont eu un grand succès sur Fb où les débats ont été chauds, j’avais demandé de reconnaître un objet trouvé dans la cave. Les fers à repasser ont fait causer des grands-mères confrontant leurs souvenirs de repassages anciens.

Les témoignages de l’engagement dans l’histoire 
Pour la liberté
I_ Insurrection républicaine de 1861
Pour l’égalité
C- Cahier de doléances de la communauté de St-Julien
Pour la fraternité
P_Pénitents en Provence , comprendre la sociabilité de l’Ancien Régime

Voici les billets que je préfère :
Lorsque je vais admirer le paysage des montagnes, je m’identifie à ce vieil ancêtre qui fut berger au XVIIe siècle. 

Le plus poétique :

Le plus parfumé :
R_Rose un hommage à ma grand-mère que j’ai souhaité discret.

Celui qui est en forme de comptine :

En fait, je me rends compte que je pourrais continuer à écrire sur ce thème de la Provence. Je n’ai pas exploré toutes les forêts de Briqueloup.

Pour le ChallengeAZ 2017, je commence à rassembler quelques idées,
mais il sera nécessaire que l'été les laisse mûrir tranquillement au soleil. 

2016-07-09

Bilan de mon ChallengeAZ 2015

Voici le temps des vacances, après ce formidable mois de juin. Je me sens transformée par tout ce que j’ai écrit sur ma forêt en Provence. Je me trouve maintenant dans cette maison que je vous ai présentée de A à Z et savez-vous que je ressens mon histoire encore plus intensément depuis que j’ai rédigé ces billets.

C’est une caractéristique des passionnés de généalogie que je revendique, nous avons la capacité de vivre dans plusieurs époques simultanément, de dialoguer avec des ancêtres que l’on choisit de rencontrer.



 Je vous invite à entrer dans l’Auberge, après avoir pris soin de l’enfant déposé dans l’Escalier. Le vin est tiré de la cave et le pain sort du Four, goûtez donc quelques Olives. Vous avez le temps, la vieille Horloge ne se presse pas. Devant la cheminée écoutons le conteur déroulant l’épopée des XV générations depuis mamie Rose jusqu’à ceux Qui sont mes plus anciens ancêtres.
Des femmes vivent et donnent la vie dans cette maison qui a conservé leurs Ustensiles usés, leurs Trousseaux, leurs fichus(Y), les Kadeaux cassés qu’elles transmettent. Regardez Éléonore qui brode ses initiales sur son Jupon, Madeleine qui Gamberge, Thérèse D. qui vient danser la farandole pour ses Noces. Les hommes sont aux Fours et aux Moulins, ils chassent les Loups. Les Bergers, les muletiers sont annoncés par la poussière du chemin et les tintements des Sonnailles. Les Maçons construisent les maisons du bourg. La plupart d’entre eux tracent avec fierté dans les registres communaux leurs signatures lors de la naissance de leurs enfants.
Nos ancêtres s’engagent, ils se réunissent pour décider des affaires de la communauté. Ils rédigent les Cahiers de doléances, ils participent à l’Insurrection républicaine, les Pénitents s’occupent de la vie sociale, ils accompagnent les morts au dernier repos.
Ces Z_habitants font des histoires, ils s’embrouillent et s’emmêlent à essayer de refaire le monde à leur façon ; c’est ainsi dans notre village qui se prend pour le plus beau village du pays !


J’ai eu un grand plaisir à vous conter tout cela, je vous invite à sonner à la porte de ma maison si votre chemin vous conduit dans la Forêt de Briqueloup.


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